émotions sans concession.
La vraie insolence d’Abdallah Badis, c’est sa tranquille absence d’insolence. Du bricolage d’une 404, il est bien joliment question dans son premier film, Le Chemin noir. Ce documentaire entre campagne et sites sidérurgiques sinistrés de Lorraine est sorti à Paris à l’Espace Saint Michel où l’on applaudissait encore il y a quelques semaines Sur la planche de Leïla Kilani, merveilleuse réussite de fiction documentée où la vie et les rêves de jeunes ouvrières trépignent entre tendresse et dureté. Abdallah Badis y va, lui aussi, de sa prouesse en jouant son propre rôle d’Algérien ayant passé l’essentiel de son existence en France et méditant sur ses origines et les courages des siens. Des chibanis lui racontent leur carrière et tout ce petit monde apaisé, rieur ou mélancolique s’affaire à réparer une vieille 404. La leçon du Chemin noir ? On n’est jamais mieux qu’en se respectant les uns les autres, en s’écoutant, en se faisant entendre, en contribuant à ce que les plaies des nations et des hommes cautérisent et à ce que poussent les fleurs et les enfants. Il y a dans ce film d’Abdallah Badis tout ce que la maturité apporte à un artiste, cette humilité et cette fidélité manifeste à ce qui demeure la meilleure boussole de l’être : la nécessité intérieure. Dans Le Chemin noir, on est immergé dans le respect de la mémoire ouvrière franco-maghrébine, loin des miasmes de la xénophobie et des errements du repliement sur soi. Ainsi, Abdallah Badis a-t-il réussi à forger les images et les paroles de l’amicalité franco-maghrébine sans faire l’impasse sur les jours tragiques, quand le couvre-feu couvait des noyades d’innocents. La question n’est pas tant de considérer bien hâtivement qu’on n’est jamais mieux que chez les autres. Sans doute ne serait-on jamais mieux qu’en accord avec le monde, pourvu que celui-ci acceptât d’être envisagé, ô surprise, comme l’allié de tous.
Salim Jay- Le Soir-échos. Maroc
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